Débat autour de la table…

Il faut saisir les signes du destin, cet article en était un tombé du ciel ! Alors en guise de mise en bouche avant les premières histoires Autour de ma Table, une réflexion sur nos habitudes alimentaires inspirée et guidée par l’article de Gérald ANDRIEU publié le 7 novembre 2018 dans l’Express (https://www.lexpress.fr/actualite/societe/engueulades-a-table-et-casse-tete-en-cuisine_2045647.html) que je reprends à plusieurs reprises sans aucune volonté de plagiat mais avec une simple envie de partage. Sur ce, bonne dégustation !

Le temps des fêtes et des grandes tablées est passé. Comme chaque année, on a fait face aux grands clichés des repas de Noël : les sujets à ne pas aborder, la tante radine, le cousin un peu rustre, la mamie cuisinière, le grand-père en bout de table, l’ado sur son téléphone, les enfants qui crient et les mêmes discussions d’une année sur l’autre. Et pourtant, ne les aime-t-on pas ces moments dont on se plaint tant ? La table est l’endroit de toutes les discussions, des plus banales comme la météo, aux plus sérieuses comme la politique le tout passant par les études, les nouvelles des uns et des autres, le sport… Et c’est lorsque l’on est réuni qu’elle exerce pleinement sa fonction de rassemblement.

Mais avec tous les « sans » qui s’invitent à nos tables depuis quelques années, comment pouvons-nous continuer à nous réunir sans se heurter aux « sans » d’ordre médical, les « sans » d’ordre éthique ou encore les « sans » d’ordre religieux. Je ne peux m’empêcher de penser au repas de Noël du film « Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » réalisé par Philippe de Chauveron où Mme Verneuil se sent obligée de préparer trois dindes pour satisfaire ces trois gendres.

Mais alors peut-on éviter les « Engueulades à table (et [les] casse-tête[s] en cuisine) » ?

C’est sur cet article que je suis tombée dans le CDI de mon lycée début novembre 2018. Le titre de ce dossier en Une de l’Express m’a interpellée. Si je mange de tout, j’ai parmi mes proches des personnes, qui pour des raisons de santé ou par conviction, ont changé leur régime alimentaire. Je me demande donc « Comment ferais-je pour pour TOUS les réunir autour de ma table ? Qu’est-ce que je leur cuisinerais ? ». Pour tenter de trouver une réponse, j’ai pris le temps de déguster cet article, véritable recette qui permet de comprendre comment notre société s’est elle épicée. Charge maintenant à mes papilles et à mon cerveau de la digérer pour concocter ma propre version…

Tout part d’une blague dont la syntaxe est typique de celles des repas de famille : « C’est l’histoire d’un vegan, d’un crudivore et d’un intolérant au lactose qui se retrouvent autour d’une raclette ». L’idée n’est-elle pas intéressante pour aborder le sujet ? Il ne reste plus qu’à la poser, à table bien-sûr, pour en saisir la dimension polémique. Loin d’une simple blague, cette question devient sociologique voire philosophique lorsque l’on vient interroger les notions du vivre ensemble et la « tendance à l’individualisme et au particularisme ». Dans des sociétés européennes qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tendent à s’américaniser de plus en plus, il est aisé de se demander si l’inscription du « repas gastronomique français » au patrimoine culturel immatériel de l’humanité n’est pas une alerte. Sous la menace des fast-foods et du hamburger qui a détrône le mythique jambon-beurre en 2017, la tradition de la table française ne serait-elle pas en danger ? Cette inscription ne serait-elle alors pas un moyen de sauvegarder la mémoire de ce monument français ? En effet, si en Angleterre et aux États-Unis il est « normal qu’un invité annonce à son hôte ses « dietary requirements », c’est-à-dire ses exigences diététiques, en France cela fait encore débat. Le fait de prôner à tout prix son individualisme jusque dans l’assiette pour des raisons de santé ou par philosophie de vie est vu comme une atteinte au partage. Dans cette réflexion, le sociologue Claude Fischler évoque le rôle des repas. Ces moments sont ceux où « les « manières de table » sont inculquées aux enfants » et par conséquent « les règles les plus fondamentales du rapport à autrui et aux proches, du partage, de la responsabilité et de la solidarité, de la hiérarchie dans le groupe de la morale religieuse ». Il pointe alors du doigt comment le « moi devenu roi » met en péril l’esprit de partage, pourtant fondamental à table.

La société actuelle crée des individus qui doivent être différents et faire entendre leur différence. Aussi, chacun de nous semble atteint d’ « orthorexie » en cherchant absolument à maîtriser son alimentation, ou plutôt sa nutrition.

Pour moi, un repas, de la réflexion du menu à la dégustation des mets, en passant par les courses, la réalisation et le dressage de la table, est une source de bonheur et de plaisir. Théâtre du partage des avis et des cultures, je n’admets pas que des régimes alimentaires puissent venir entacher ces moments qui me sont chers. En effet lorsqu’ils tombent dans l’extrême, certains s’apparentent à de la radicalisation et blâment la gourmandise… Pêché capital ! Mais le véritable pêché n’est-il pas de se déchirer pour un repas ?

L’« orthorexie » est un mot qui m’est nouveau et pourtant il vient tout éclairer. Il décrit parfaitement cet enrôlement fait autour d’une manière de s’alimenter avec une vision très nutritionnelle. Cette propagande du repas healthy à tout prix, accompagnée de ces modes comme l’avocado toast, le pad thaï, les graines et même le craquage organisé alias le cheat meal, tout ceci m’angoisse ! Pourquoi manger est-il devenu si compliqué ? Dire ce que l’on mange ou ne mange pas devient parfois même un tabou. Manger un bon steak avec un vegan ou commander un dessert avec quelqu’un qui n’a pris qu’une salade… osez dire que jamais vous n’avez comparé votre assiette. Et pourtant il s’agit bien de votre assiette, elle ne devrait donc répondre qu’à vos besoins et à vos envies.

Aujourd’hui, la relation à l’alimentation est très particulière. Elle dévoile beaucoup de choses sur nous, nos émotions et depuis peu elle prend de plus en plus en considération les convictions éthiques, la santé ou encore la religion. Notre assiette devient donc en quelque sorte une carte d’identité, un portrait de celui qui la mange. Dans une société où l’on met un point d’honneur à respecter la pleine expression de chacun, la préparation d’un repas peut devenir un véritable cauchemar. Quel hôte supporterait de se voir accusé de brimer la personnalité de ses convives dans la préparation de ses plats ?

Pour ma part, le cauchemar est encore loin ! Je m’amuse à relever les défis du sans œuf, du sans lait, du sans protéine, du sans gluten. J’ai la chance de n’avoir aucune restriction stricte au quotidien. Aussi lorsque cela se présente, je jongle avec mes neurones et mes papilles pour concocter des plats qui raviront tout le monde. Car pour moi, tant que ces débats se font à table, peut-importe ce qui remplit nos verres et nos assiettes !

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